Le lycée est souvent une bonne occasion de se réinventer, laissant le passé derrière nous. Dans le groupe, personne ne connaissait mes antécédents et c’était mieux ainsi. Le problème c’est que le plus souvent le passé nous rattrape.

On nous demande de choisir plusieurs options au Bac. Personnellement, j’avais choisi l’option SVT, j’étais accro aux sciences. J’aimais bien la composition de ma classe en générale, mais lors des options la composition des classes était complètement différente. Quand le premier jour arriva dans cette nouvelle classe de SVT, je le vis, Anthony. A son simple contact, les émotions, la peur et toutes ces choses que j’avais oubliées revenaient d’un coup. J’étais tétanisée mais je devais me reprendre, le passé était le passé, cette période était terminée, j’avais pardonné, j’avais tourné la page. Pourquoi devais-je avoir peur ? Il avait certainement oublié.

Pendant tout le cours, je fuyais son regard. Je m’étais placée à son extrême opposé, question de sécurité, je suppose. Mon problème vint après, durant la partie TP de ce cours. C’est à ce moment qu’Anthony passa derrière moi, leva sa main et mima d’un geste brusque une frappe sur ma nuque. Par réflexe, je me baissai aussitôt. Puis, je me retournai vers lui, il riait. Ce qui me choqua le plus, c’était ce regard en coin et ce petit sourire qui me faisaient comprendre qu’il était fier de lui, fier de la peur qu’il m’inspirait. Je compris qu’il n’avait pas changé, il était même pire que dans mon souvenir, sans aucun remord.

Anthony fut mon bourreau au collège. Chaque jour, j’avais le droit à des remarques désobligeantes. Chaque jour, j’avais peur, je devais regarder partout car dès que j’avais le dos tourné, il en profitait pour me frapper, principalement, à la tête. Chaque jour, je devais garder mes affaires même pour aller à la cantine, sinon, il se précipitait pour me les voler ou les disperser dans tout le lycée. Le cours de SVT était un cours tout particulier pour moi et mon bourreau. A l’époque, étant la meilleure élève de ma classe, la prof m’avait placée à côté du cancre, mon bourreau. Chaque cours de SVT était une occasion parfaite pour m’humilier davantage devant toute sa troupe, pour me frapper dès que la prof avait le dos tourné. Ce qui était mon cours préféré, devint mon pire cauchemar. Chaque dimanche, j’étais tétanisée à l’idée de remettre un pied dans ce lycée. A l’époque, je ne sais pas pourquoi, je n’avais prévenu personne. Je crois que je n’étais pas consciente de la gravité des événements.

Quand je suis arrivée au lycée, j’ai changé afin que cela ne se reproduise jamais. Pour oublier et tirer un trait, j’ai, selon moi, fait preuve de maturité et dû pardonner, considérant que ce n’était que des actes faits par des gamins stupides et qu’ils ne recommenceraient plus.

Cependant, ce jour-là, il avait mimé exactement le même geste que durant mes précédents cours de SVT. C’est alors que je compris, non seulement mon bourreau n’avait rien oublié, mais en plus il en était satisfait. Il était complètement insensible à la violence de ce geste. Au contraire, c’est comme s’il voulait démontrer sa domination sur moi, qu’il fera à tout jamais partie de mon histoire et qu’à tout moment il pouvait me faire revivre le calvaire s’il le décidait. La possibilité que je sois à sa merci lui donnait ce pouvoir dont il raffolait tant.

Il ne méritait plus aucun pardon. J’aurais aimé qu’il puisse un jour ressentir tout ce qu’il m’avait fait, mais cette perspective était impossible. De plus, j’avais peur que cela ne change plus rien au caractère de cet être abject. Ce qui était certain c’est que dorénavant plus personne ne devait avoir l’occasion de me dominer. Afin que ses évènements ne se reproduisent plus, je devais devenir leader.

 

A.

6 réflexions sur “(I) – Episode 6 : Quand la réalité nous rattrape

  1. Je n’ose imaginer l’horreur.
    C’est une des raisons pour lesquels j’ai « supplié » mes parents de me changer d’école à la fin du primaire. J’ai supporté encore quelques années le harcèlement notamment dans le bus du soir qu’on partageait. Mais toute la journée tous les jours, ça aurait été dramatique.

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